Mon enfant prononce mal certains mots : c'est normal ?
« Au pestacle, y’avait un crocrodile et un sat qui zouaient avec le petit crain rou - tchou tchou- »
Traduction : Au spectacle, il y avait un crocodile et un chat qui jouaient avec le petit train rouge.
Ça vous rappelle quelque chose ?
Votre enfant déforme certains mots ?
Il transforme les sons, il les inverse ou il enlève une partie des mots?
Vous avez parfois du mal à le comprendre et vous le faites répéter ?
Mais franchement c’est moi ou il le fait exprès parfois ?! Est-ce que c’est
c’est vraiment difficile de prononcer les mots ?
Les difficultés de prononciation sont souvent les principales inquiétudes des parents pour leurs jeunes enfants. Et pourtant : TOUS les enfants passent par une mauvaise prononciation des mots : ça fait partie de l’apprentissage !
Plus votre enfant va grandir, mieux vous allez le comprendre !
Il doit d’abord s’entraîner ! C’est normal de ne pas comprendre tout ce qu’un enfant de 2 ans essaie de raconter ! Généralement à cet âge-là, il est compris environ 25 à 50% du temps par son entourage ! A 3 ans, il sera compris environ 80% du temps, à 4 ans 90% et vers 5 ans il devrait être compris à 100% par tout le monde.
Est-ce que c’est vraiment difficile de prononcer les mots ?
Le temps et la pratique
Imaginez-vous prêt à partir pour une superbe randonnée. Si vous deviez marcher doucement sur un chemin tout plat, rien de bien compliqué n’est-ce pas ? Maintenant, si vous deviez emprunter un chemin escarpé à une allure soutenue, c’est plus la même histoire ! Il faut suivre le rythme, bien respirer et faire attention à ne pas tomber. Cela demande une certaine coordination et une bonne condition physique ! Si vous n’êtes pas bien entrainé, vous risquez de chuter à plusieurs reprises, de chercher un maximum de raccourcis et peut-être d’abandonner en cours de route. Mais avec l’entrainement, vous serez de plus en plus performant pour y arriver.
Pour un enfant qui apprend à prononcer, c’est pareil !
Apprendre à prononcer : ça évolue avec le temps et la pratique !
Un bébé va d’abord produire des sons isolés « aaa » « mmmm » pour ensuite dire ses premiers mots « mama ». Un enfant peut très bien réussir à articuler tous les sons de notre langue et quand même déformer les mots. Comment est-ce possible ? Parce que….
Prononcer et articuler c’est PAS pareil !
Un enfant peut très bien articuler des sons individuellement « chhh » « aaaa » sans pour autant être capable de les enchainer pour prononcer des mots « oh un sa ! » (oh un chat !).
Prononcer un mot c’est enchainer les sons que l’on articule avec la bouche. Pour y arriver, il faut :
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Avoir un bon souffle
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bouger sa bouche de façon précise pour chaque son
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Les enchainer dans le bon ordre
Cela demande une coordination qui s’acquière avec le temps et de la pratique.
Au début, un enfant fera de nombreuses erreurs et cherchera la facilité. Et c’est NORMAL, ça fait partie de l’apprentissage ! De nombreux entrainements seront nécessaires avant d’arriver à la bonne prononciation du mot.
C’est comme si vous aviez tout le matériel nécessaire pour randonner, les chaussures et la casquette (l’articulation) mais que vous n’aviez pas la condition physique (la prononciation) : c’est plus compliqué !
Prononcer les mots : c’est un système complexe qui se met en place au fur et à mesure chez l’enfant
L’apprentissage des sons de la langue évolue jusqu'en primaire. A 7 ans, on s’attend à ce qu’un enfant soit capable de dire tous les sons de tous les mots.
L’entrainement de 0 à 7 ans
Les premiers mots
Jusqu’à 1 an, un bébé va commencer à combiner ses premiers sons “p, t, k, b, d, g, m, n” qu’il va ensuite assembler en syllabes simples répétées pour dire “papa, mama, dodo, tata”. Il utilise donc une consonne et une voyelle identique [P+A+P+A] (nb : est-ce que ça rassure certaines mamans qui attendaient impatiemment « maman » comme premier mot ? :p).
Il va ensuite pouvoir varier ses consonnes et voyelles dans les mots : “obé” pour tombé, "babo” pour bravo.
Mais il y aura des petites chutes en route : des suppressions de syllabes : il simplifie le mot pour que ce soit plus facile pour lui : lapin devient “pin”, voiture devient “tu”. Il lui arrive aussi de supprimer des petits sons ou d’inventer des mots et c’est normal . Il adapte les mots à ses capacités actuelles : prononcer des morceaux de mots avant les mots entiers.
Le rythme s’accélère …
Vers 2 ans, l’enfant va commencer à combiner deux mots ou plus. Il sera par exemple capable de dire “encore gâteau”. Il va devoir placer plusieurs sons à la suite, parfois une dizaine ou vingtaine. Ça devient de plus en plus difficile !
Ça peut même être frustrant ! Quand un mot est utilisé tout seul il le prononce parfaitement, mais quand il est dans une phrase, catastrophe ! Pas de panique c’est NORMAL.
L’enfant va être influencé par les sons dits avant et après, il va transformer le mot. Il sait dire les mots “beau”, “camion” et “vert” mais va les transformer dans la phrase “beau camon vé”.
Dans les déformations de mots, on retrouve souvent :
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Des suppressions de sons (“lumiè” pour lumière) ou de syllabes (“mié” pour lumière)
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Des ajouts de sons dans un mot (“protre” pour porte)
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Des inversions de sons (“valabo” pour lavabo)
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Des transformations de sons par assimilation (“chauchure” pour chaussure ou le très célèbre « crocrodile »)
Entre 2 et 3 ans : Il apprend à dire de nouveaux sons, les f, v, s, z. Il sera capable de dire certaines consonnes finales. Banane, qu’il prononçait “ana”, va devenir “anane” ou “banane”.
Vous avez remarqué ? Un enfant peut être capable de dire le T de “compote” mais aura du mal à dire le T dans “toilettes” ou “table”. Il y a plusieurs raisons à cela :
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C’est parce que l’enfant n’a pas conscience que le son est présent à cet endroit précis
Et aussi parce qu’en français, on accentue la dernière syllabe du mot ou le dernier mot de la phrase. Il va dire plus facilement les fins de mots que les débuts.
Ça se bouscule !
Vers l’âge de 3-4 ans, l’enfant a les idées qui foisonnent. Son langage se développe mais sa bouche et sa langue ne sont pas encore assez rapides et précis pour suivre le rythme de ses pensées.
Entre 3 et 5 ans : la majorité de ces simplifications tendent à disparaitre. Si l’enfant coupe encore des mots vers 3 ou 4 ans, ce sont en général les plus longs (ex. : il dit « bibithèque » pour « bibliothèque »).
Des mots plus difficiles que d’autres
Certains sons sont plus difficiles que d’autres à articuler. Quand un son est plus difficile, un enfant va l’éviter ou le remplacer par un autre son plus facile comme par exemple un enfant qui va dire ‘sa’ pour un « chat » ou « zouer » pour jouer.
Les sons « ch », « j » et « r » apparaissent plus tardivement (jusque 5 ans) car ils sont prononcés à l’arrière de la bouche et sont plus difficiles. Le R est souvent associé à d’autres consonnes pour former le TR CR FR PR. C’est donc encore plus difficile pour l’enfant de le prononcer correctement. Le mot “train” est souvent transformé en “crain” et “prénom” en “pénom”. Les mots où deux consonnes se suivent peuvent être encore difficiles à prononcer jusqu’à l’âge de 5 ans comme « biSCuit, caSQue ». Ces difficultés sont courantes !
Il est donc normal que l’enfant déforme des sons dans son apprentissage du langage et qu’il ne se fasse pas tout de suite comprendre
Mais pour certains enfants, les mots sont tellement déformés qu’on ne les comprend pas toujours ce qui peut être très frustrant pour vous, mais avant tout pour eux !
Quand consulter un orthophoniste ?
Si votre enfant de 3 ans déforme tous les sons, si on ne le comprend pas du tout, s’il ne dit que très peu de sons, s'il complexifie les mots : Dirigez-vous vers un orthophoniste !
Il en est de même si votre enfant de 5 ans déforme fréquemment des sons, s’il supprime des syllabes ou ne se fait pas comprendre par tout le monde. Certains enfants présentent un trouble des sons de la parole qui nécessite un suivi avec des exercices spécifiques. De façon générale, il est conseillé de consulter si vous voyez que votre enfant s’énerve ou pleure lorsque qu’il n’est pas compris, qu’il en souffre voire qu’il s’isole ou parle de moins en moins. Logopouce rappelle qu'une prise en charge précoce permet de limiter ses difficultés et ses impacts psychologiques.
Que faire quand je ne le comprends pas ?
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Ne faites pas semblant de comprendre ! Il va vite se rendre compte que vous vous moquez de lui et il aura moins envie de recommencer. Prenez une part de la responsabilité : « je suis désolé(e), je ne comprends pas ».
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Jouer à l’enquêteur : poser des questions, demandez-lui de montrer. Servez-vous du contexte.
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Proposez des choix de mots : tu me parles de l’ours ou du poussin ?
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Reformulez ce que vous avez compris pour voir si vous êtes sur la bonne piste
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Encouragez-le à clarifier, à expliquer autrement
En cherchant ce qu’il vous dit, vous lui montrez que vous vous intéressez à lui, et que vous essayez de le comprendre ! Il prendra confiance et réalisera que sa parole a un effet sur les autres !
Si vous ne comprenez vraiment pas, bien que vous ayez tout mis en œuvre pour le faire et que vous y ayez consacré toute votre attention, l’enfant se sentira un peu moins frustré de ne pas avoir été compris. Il sera toujours possible de ré aborder ce point plus tard. Petite astuce pour vous sortir de cette situation : détourner son attention sur autre chose et éviter une frustration !
Si vous souhaitez allez plus loin, retrouvez nous dans la formation Logopouce « en route vers le langage » qui vous donnera un maximum de clés pour réagir dans ces circonstances.
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